La politique d’asile

L'Allemagne propose de payer les demandeurs d'asile qui retournent chez eux - © Huffpost

Les migrations forcées (cf. [#15]), qui sont la conséquence de conflits, de persécutions, de crises économiques et de catastrophes naturelles, accompagnent l’humanité depuis toujours. Les politiques d’asile, censées répondre aux besoins des populations contraintes de fuir leur pays pour les raisons susmentionnées, doivent tenir compte des conditions et des définitions établies par la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Ce texte, complété par le Protocole de New York de 1967, a été ratifié par la plupart des États (145), à l’exception de nombreux pays d’Asie du Sud et du Sud-Est (sauf les Philippines et le Cambodge), de la Péninsule arabique (sauf le Yémen), du Proche-Orient (sauf Israël), de la Papouasie, de l’Ouzbékistan, de la Corée du Nord, de la Mongolie, de la Libye, du Sahara occidental, de Cuba et de la Guyane.

L’accueil des réfugiés s’inscrit, en outre, dans la tradition des déclarations ou des chartes universelles relatives aux droits de l’homme, et constitue donc un impératif éthique qu’aucun régime qui se veut démocratique et respectueux des droits inaliénables des êtres humains ne peut ignorer.

Toutefois, la réalité montre que plus le nombre de personnes ayant besoin d’une protection est important et moins les autorités et les opinions publiques des pays d’accueil potentiels sont disposées à leur offrir l’hospitalité, ce qui explique pourquoi le chiffre global des migrants forcés recensés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) augmente année après année. En outre, trop peu de personnes en quête d’un asile “décent” ont la possibilité de quitter les camps surpeuplés disséminés à travers le monde pour être réinstallées dans un pays d’accueil.

RéinstallationQK et demande d’asile

Plus les réfugiés disposent de ressources propres, plus ils parviennent à s’éloigner de la zone constituant pour eux un danger. Dans ces conditions, seule une petite minorité d’entre eux parvient à atteindre le territoire d’un pays du « premier monde », les autres se concentrant dans des camps à proximité de la zone de danger.

Pour trouver refuge dans un autre pays, les migrants forcés ne disposent que de deux possibilités : la réinstallation (resettlement) individuelle dans un pays hôte, vers lequel ils sont transférés depuis un camp ou une région d’installation “provisoire”, ou le dépôt d’une demande d’asile, une fois arrivés sur le territoire d’un pays d’accueil potentiel.

S’ils pouvaient choisir, tous les pays d’accueil opteraient pour la réinstallation, procédure qui leur permettrait de contrôler aisément les flux de réfugiés et de réduire le nombre de personnes accueillies. En effet, chaque année, le HCR soumet à différents pays un petit nombre de demandes de réinstallation, qu’il estime avoir des chances d’aboutir. Ainsi, en 2014, sur les quelque 104 000 demandes formulées, seules 73 000 ont été acceptées par une trentaine de pays au total, parmi lesquels principalement les USA, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Norvège, et — pour moins d’un millier de personnes — l’Allemagne et la France. Pour justifier une telle “parcimonie”, les pays européens allèguent qu’ils sont déjà confrontés à un nombre de demandes d’asile jugé excessif et qu’une plus grande « générosité » se traduirait par un « appel d’air ».

Accueillir hors de son territoire

Depuis la fin des années 1970, les politiques d’asile des principaux pays d’accueil cherchent à restreindre significativement le taux de reconnaissance du statut de réfugié par l’instauration de différents types de protection moins exigeants, telle la « protection subsidiaire » (cf. [#631]), et par la distinction entre réfugié et demandeur d’asile, ce dernier étant de plus en plus soupçonné d’être en réalité un « migrant économique déguisé », considéré par conséquent comme indésirable. Les personnes auxquelles la qualité de réfugié est reconnue font ainsi figure de privilégiées parmi les migrants forcés, tandis que les déboutés du droit d’asile peuvent soit bénéficier d’une des formes de protection limitée (« asile humanitaire » et autres statuts intermédiaires), soit devenir des sans-papiers en situation précaire, et plus ou moins bien tolérés, ou encore être reconduits à la frontière. Afin de réduire le taux de reconnaissance du statut de réfugié, les États concernés recourent à plusieurs moyens : a) l’introduction de la notion de « pays d’origine sûr », la liste desdits pays étant régulièrement modifiée, le plus souvent par des ajouts ; b) l’introduction de la notion de « pays tiers sûr », ce qui permet d’éliminer presque automatiquement les personnes ayant transité par des pays où en théorie elles auraient été en sécurité et où elles auraient donc pu demander l’asile ; c) l’octroi de la protection en priorité aux ressortissants dont les nationalités enregistrent les taux de reconnaissance les plus élevés ; d) la possibilité de statuer immédiatement et de façon sommaire sur la non-recevabilité de certaines demandes jugées comme étant « manifestement infondées ».

Dans certaines circonstances, les pays d’accueil, confrontés à l’arrivée massive de migrants, peuvent octroyer à ces derniers une « protection temporaire », un dispositif qui, sans reconnaître aux individus persécutés la qualité de réfugié, leur permet de demeurer quelque temps sur le territoire national sans pouvoir être refoulés. L’Union européenne a adopté une Directive sur la protection temporaire, promulguée en 2001, afin d’harmoniser au sein des États membres les mesures relatives à l’accueil temporaire des migrants forcés. Elle prévoit ainsi la délivrance d’une autorisation de séjour d’une durée d’un ou deux ans maximum. Toutefois, cette directive n’a jamais été appliquée, les gouvernements européens y voyant là encore un « appel d’air ».

Plutôt que d’accueillir les réfugiés, les principaux pays d’accueil tentent de les maintenir hors de leur territoire, soit en organisant ce que d’aucuns appellent un « asile sur place », c’est-à-dire dans des lieux limitrophes des zones dangereuses, soit en externalisant les procédures de demande d’asile, soit encore en signant des accords avec des pays tiers (par exemple la Turquie, la Libye, la République de Nauru, etc.), pour qu’ils retiennent les migrants en échange d’une contrepartie financière et d’autres avantages.

L’organisation de l’“accueil”

Face à l’afflux de nombreux demandeurs d’asile, un pays est confronté à au moins cinq problèmes : a) le “tri” des demandeurs (par exemple dans des centres dit hotspots, c’est-à-dire des “points chauds” ou “zones sensibles”) selon les typologies des différents statuts possibles, une fois l’identité des migrants établie ; b) la répartition de ceux-ci sur le territoire national selon plusieurs critères (par exemple, l’Allemagne utilise une clé de répartition, dite de Königstein, intégrée dans un logiciel de base de données) ; c) l’accueil logistique dans des centres dédiés ou bien dans des structures privées ; d) la mise en place de procédures juridiques de détermination du statut de réfugié ; e) le sort réservé aux déboutés du droit d’asile.

Le plus souvent, les gouvernements sous-traitent l’organisation de l’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile, parfois sans prendre en compte le manque de compétences spécifiques des organisations concernées, le tout dans l’urgence, bien que l’afflux de réfugiés soit un phénomène récurrent et prévisible.

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