L’Union européenne et les migrations
Au sein de l’Union européenne la politique en matière d’immigration et d’asile est élaborée par le Conseil “Justice et affaires intérieures” (JAI), qui réunit les ministres de la Justice et de l’Intérieur des différents pays membres. Certains aspects de cette politique que l’UE considère comme fondamentaux, relèvent notamment des ministres de l’Intérieur, assistés par des fonctionnaires nationaux et des consultants : la maîtrise des flux migratoires, la défense contre la menace terroriste (que les documents officiels associent à l’immigration), l’harmonisation de la politique d’asile, les partenariats avec les pays tiers susceptibles de freiner l’afflux de migrants, la réglementation de l’immigration légale, le retour des indésirables, etc.
Depuis la signature de l’accord de Schengen (1985) et de sa convention d’application (1990), le Conseil JAI (ainsi que les institutions analogues qui l’ont précédé) a créé au fil du temps des agences spécialisées chargées des trois volets majeurs de la gestion de l’immigration dans l’UE : le contrôle des frontières extérieures, l’information sur les flux et les questions relatives à l’asile
Les exigences du premier volet relèvent de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), créée en 2004 à Varsovie, qui, contrairement à ce que croient souvent les opinions publiques, ne contrôle pas directement les frontières européennes, mais se cantonne à fournir aux pays frontaliers de l’UE une expertise de coordination et des outils afin qu’ils surveillent efficacement tout franchissement de frontière par des migrants irréguliers. En outre, Frontex « élabore des bonnes pratiques pour organiser le retour des migrants ». L’agence est constituée de trois divisions, la première consacrée aux « opérations », la deuxième à la formation des personnes affectées à la surveillance (capacity building), la troisième au fonctionnement interne.
Le deuxième volet est en revanche pris en charge par le Réseau européen des migrations (REM ; EMN en anglais), institué en 2008 et organisé en points de contact nationaux – qui dépendent le plus souvent des ministères de l’Intérieur des États membres – qui fournissent des informations (rapports) sur différents aspects de l’immigration dans chacun des pays membres de l’UE, toujours dans une perspective statistique et quantitative. Ces textes sont censés représenter la base empirique sur laquelle s’appuient les décisions gouvernementales et communautaires.
Enfin, le troisième volet est confié au Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA ou BEAMA ; EASO en anglais), créé en 2011 à Malte, une structure proche de celle de Frontex (il se compose aussi de trois divisions : opérationnelle, formative et administrative). Cette agence, censée travailler pour aboutir à une politique d’asile commune au niveau européen, se concentre actuellement surtout sur la question de la relocalisation des demandeurs d’asile, c’est-à-dire sur la coordination en vue du transfert provisoire de ces derniers dans des pays autres que ceux où ils ont déposé leur demande, en attendant l’issue du processus de reconnaissance de leur qualité de réfugié. Le Bureau devrait prochainement prendre le nom d’« agence ».
La manière dont les autorités nationales perçoivent Frontex est emblématique du rôle que jouent concrètement ces agences. Si ces dernières sont et restent des « outils » sans véritable capacité d’intervention directe dans leur domaine, les États ont tendance à croire qu’elles pourraient assumer intégralement les problématiques auxquelles elles sont affectées. En réalité, les « opérations » de Frontex ne sont que des « projets » et des « supports » pour que les administrations locales puissent mieux « endiguer » les flux migratoires. Voilà pourquoi, à chaque fois que des flux massifs de « migrants » font la une des médias, les chefs d’État européens pensent régler rapidement la question en augmentant les ressources de cette agence.